Bien que William Anderson soit peut-être le moins connu des membres du Temple de la renommée de la FCB, il a été un de ceux qui ont eu le plus d’influence dans le jeu, avec Work, Culbertson et Goren.
Il n’est pas exagéré de dire qu’Anderson a influencé chaque joueur du monde. Il a réalisé cela en développant un système d’évaluation des points de distribution pour Charles Goren.
Au milieu des années quarante, Goren est venu voir Anderson, un ami de longue date et un mathématicien génial, et lui a demandé de se charger d’une recherche mathématique pour démontrer que le potentiel en levées d’une main pouvait être évalué autant pour des enchères en couleur que pour des enchères en sans atout, sur la base d’un compte en points.
Le problème du système des points d’honneurs 4-3-2-1 de Milton Work était qu’il fonctionnait très bien pour les enchères en sans atout avec des mains balancées, mais qu’il était notoirement inexact pour l’évaluation en couleurs. À cette époque, presque tous les joueurs utilisaient encore la méthode des honneurs-levées de Culbertson pour évaluer les mains de couleurs lors des enchères.
Anderson a travaillé deux ans sur ce problème. Sa première tâche a été de vérifier si le système de compte en points d’honneur était exact – il a découvert que même s’il pouvait être légèrement amélioré mathématiquement, sa combinaison de simplicité et d’exactitude ne pouvait pas l’être. Il s’est alors attaqué à la question principale de Goren – comment évaluer des mains pour les enchères en couleur. Il a ainsi développé le système de points 3-2-1 pour évaluer des mains avec des absences, singletons et doubletons respectivement.
De même que Milton Work a popularisé le compte de points d’honneurs 4-3-2-1 développé par Bryant McCampbell, Charles Goren a popularisé le compte 3-2-1 d’Anderson. Son livre « Point Count Bidding in Contract Bridge » (Simon & Shuster, 1949) fut un énorme bestseller, se vendant éventuellement à plus de trois millions d’exemplaires. Il y a eu 12 réimpressions au cours des cinq premières années et il a été traduit dans plusieurs langues.
Dans l’introduction de son livre, Goren a rendu hommage à Anderson:
« Il a fallu beaucoup d’étude et d’expérimentation. Mais, avec l’assistance de William M. Anderson de Toronto, dirigeant d’une des principales compagnies canadiennes d’assurance-vie et un actuaire de grand renom, j’ai été en mesure de développer un système d’évaluation qui fonctionne efficacement dans une majorité écrasante de mains. »
Et, plus loin…
« Il est opportun de remercier ici tous ceux qui ont contribué, directement et indirectement, à cet effort… Plus que tout, à William M. Anderson, qui est non seulement la référence lorsqu’un problème mathématique est impliqué, mais dont j’ai pu appliquer, de manière très pratico-pratique, la compréhension profonde de la théorie fondamentale du jeu. »
Le samedi 22 août 1981, dans sa rubrique journalistique « Goren on Bridge », Goren a discuté du développement du compte en points comme suit :
« …J’ai décrit mon problème à un de mes amis qui était actuaire – Bill Anderson de Toronto. C’est lui qui a développé le compte de points de distribution qui, avec le compte de points d’honneurs de Milton Work, est encore à la base de ce que la plupart des gens enseignent et jouent aujourd’hui… la seule chose que je regrette dans toute cette histoire, c’est que le travail gigantesque effectué par Bill Anderson pour développer le compte de distribution, de même que l’exactitude et la simplicité du concept, n’ont pas été pleinement reconnus. »
Bill Anderson était un génie reconnu : il a gradué de l’Université de Toronto avec honneurs en mathématique et en physique, s’est joint à la North American Life Assurance Company dès sa graduation et est rapidement devenu le plus jeune actuaire de tous les temps au Canada. Il accéda au poste de président, puis de président directeur général, de la North American Life et devint président à la fois de l’Institut Canadien des Actuaires et de la Society of Actuaries basée au É.-U. Il fut honoré du titre d’associé par la Faculté des actuaires d’Écosse en 1944, alors que seulement 14 personnes avaient été honorées de ce titre depuis la naissance de la Faculté 100 ans plus tôt. Bill a été responsable du développement et de l’introduction du Code de conduite professionnelle pour les actuaires, plaçant ainsi cette profession au même diapason que les professions médicales et légales.
À l’époque où il était le plus jeune actuaire de tous les temps aux É.-U., Oswald Jacoby déclara au sujet de Bill Anderson : « J’avais l’habitude de déclarer que j’étais le meilleur actuaire parmi les joueurs de bridge, mais j’ai rapidement abandonné cette revendication après avoir rencontré Bill Anderson, après quoi j’affirmais simplement que j’étais le meilleur joueur de bridge parmi les actuaires. »
Anderson a eu du succès comme joueur de bridge : Maître à vie no. 357, jouant la plupart du temps avec sa femme Marjorie et remportant un Championnat nord-américain (NABC) avec elle. Voici Bill en action dans une donne rapportée dans la chronique de bridge de Charles Goren.
« Le système de compte 4-3-2-1 a été introduit par Bryant McCampbell en 1915 et publicisé par Milton Work dans ses nombreux écrits. Cependant, il n’était pratiquement utilisé que pour les enchères en sans atout. Ce n’est que lorsqu’un actuaire de Toronto, William Anderson, a développé le compte de distribution dans les années 40, que le compte de points a envahi le monde du bridge. »
« Au-delà de sa fascination pour l’aspect mathématique du bridge, Anderson était un joueur accompli. Dans la main d’aujourd’hui, il est en Ouest… »
« Anderson a entamé la dame de pique, remportée au mort. Le déclarant joua trèfle avec l’intention de pouvoir couper au mort, et laissa filer au dix d’Ouest. Anderson a trouvé le seul retour qui fait chuter le contrat, le ♦R. Le déclarant l’emporte de l’As mais maintenant, une coupe à trèfle va majorer le valet d’atout d’Ouest tandis que, si on ne coupe pas, le résultat sera de deux levées perdantes à trèfle. »